Lettre à ma journée
Chère journée,
Je t’écris avec des sentiments mitigés.
Il n’y avait pas de soleil ce matin, quand les volets se sont ouverts. Première déception.
Dès que huit heures a coucouté au coucou de la cuisine, je me suis mise au travail. D’abord le vrai travail, rémunéré, reconnu, qui donne l’impression de ne pas être absolument inutile pour la société. Quand ce fut fait, je suis passée au travail de deuxième catégorie. C’est-à-dire les tâches sur ma « liste des trucs à faire ».
J’avais bon espoir d’arriver à bout. J’ai fait, porté, rangé, je me suis démenée dans les trois étages de la maison, la terrasse et le jardin, et oui, oui ! L’une après l’autre, les positions de ma liste ont été rayées.
Vers quatorze heures, grand sentiment de fierté. Malgré quelques douleurs aux articulations, je me suis accordé une pause déjeuner. Le soleil brillait. Je me dis que tu étais une de ces douces journées de mai où il y a tant de lumière que l’hiver semble presque impossible.
Mais voilà, ma pause finie — et si elle ne fut pas longue — ma liste des trucs à faire était à nouveau remplie. Pourquoi ? POURQUOI ?
De dépit, je me suis affalée sur le canapé, et à chaque minute qui passait, d’autres tâches venaient s’ajouter, me tombaient dessus. Je n’ai trouvé le courage de me relever que vers dix-huit heures.
Jour de mai, tu m’as trompée.
© Emilie Le Garben