Histoire de pirate
L’as de pique tomba sur le tapis.
La Scrofule bondit de sa chaise pour étriper le croupier, mais on l’en empêcha.
Elle brailla, hurla. Elle venait de perdre son navire et son équipage.
Un bubon qui prospérait dans son cou perça.
« Encore une partie ! Je vais me refaire !
— Arrête, la Scrofule, dit le croupier. T’as plus rien.
— J’vais te faire voir si j’ai plus rien. Tête de cul ! »
Le directeur du casino, un homme aussi morne qu’un fossoyeur, arriva d’un pas alerte accompagné de dix hommes.
« Madame, dit-il, je suggère que vous quittiez l’établissement de votre plein gré.
— Ne m’appelle pas madame ! Je ne suis pas une dame, bon Dieu ! Je suis une pirate.
— Quand bien même vous seriez la Reine d’Écosse, répondit l’homme poliment, cela ne change rien. Vous êtes ruinée.
— Faux ! beugla la Scrofule. Il me reste mon sabre ! »
Le directeur leva les yeux au plafond.
« Ce machin tordu, couvert de sang ? Il n’a pas la moindre valeur.
— J’ai éventré Sparrow avec ! Évidemment qu’il a de la valeur. Y a des collectionneurs qui paient des chasseurs de têtes rien que pour me le prendre. Ah ! Ça t’en bouche un coin, hein ? Alors, t’en dis quoi ?
— Soit, soupira le directeur. Mettez votre sabre en jeu, si cela vous chante. Si vous perdez, vous vous en irez et vous ne remettrez plus jamais les pieds ici.
— Et si je gagne ?
— Madame, pourquoi envisager cette éventualité ? Vous ne gagnez jamais !
— Pah ! Il suffit d’une fois. »
La Scrofule cracha par terre.
« Vous récupérez votre rafiot et votre bande de bras cassés.
— Deal ! »
Une fois de plus, la Scrofule perdit.
© Emilie le Garben