L’histoire derrière le fait-divers
Voici un extrait du Journal des villes et des campagnes, 14 avril 1847, p. 7/8 ; trouvé sur RetroNews.fr - Le site de presse de la BnF:
“Un ouvrier était allé acheter à Arras de la poudre et des capsules qu’il avait mises dans la poche de son pantalon, lorsqu’il rencontra, chemin faisant, un de ses compagnons qui revenait à cheval et qui lui jeta un défi à celui qui arriverait le plus vite. L’autre accepte, et, afin d’aller meilleur train, met sa pipe dans sa poche. Une horrible explosion a lieu et le malheureux tombe mourant sur le chemin. On désespère de ses jours.”
Et voici un début d’histoire imaginée sur la base de ce fait-divers véridique:
« Bébert, tu iras à Arras cet après-midi acheter de la poudre et des capsules. Normalement, c’est pas à toi que je demanderais ça, vu que t’en con comme un melon, mais le Joseph s’est fait porter pâle. Donc : voilà des pièces. T’en as pour mille francs. Mets-les dans ta ceinture et ne les perds pas. Fais oui de la tête si tu as compris. Et jure que tu ne t’arrêteras pas au bar. »
Bébert, ouvrier apprenti, acquiesça du mieux qu’il put et se mit en route le cœur gros. Il sentait bien qu’on le prenait pour un idiot, partout et tout le temps. À la maison, à l’usine, au bistrot, on se payait sa tête. C’était le drame de sa vie : idiot, il l’était, mais pas suffisamment pour ne pas s’en apercevoir.
L’argent rangé dans sa ceinture, il se mit en chemin et oublia bien vite ce qu’il faisait sur la route d’Arras. Il s’arrêta dans un bar pour réfléchir.
« Tu as l’air perdu, mon garçon, dit le patron en lui servant un verre de piquette.
— Non, dit Bébert, j’ai marché trop vite. Mes idées se sont emmêlées. Si j’attends un peu, tout va se remettre en place et je saurais pourquoi j’ai mille francs cachés dans ma ceinture. »
Entendant cela, un homme se leva et vint s’assoir à côté de lui. Il fumait la pipe.
« Laisse-moi t’aider à réfléchir, gamin. Les pensées et tout ça, ça me connaît. Je suis, comme qui dirait, un magicien de l’âme ».
© Emilie le Garben